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S’épanouir au travail grâce à la robotique ikigaï ?

26 octobre 2023 • Big Data & IA - Industrie du futur - Médias du futur - Réseaux & IoT - Santé numérique

Les robots peuvent nous aider à être plus productifs, mais pourraient-ils aussi contribuer à notre bien-être au travail ? À travers une thèse CIFRE autour de la robotique ikigaï, la SNCF, Strate École de Design et CESI cherchent à comprendre comment concevoir de nouveaux outils pour peuvent renforcer la motivation des collaborateurs, notamment des agents de maintenance ferroviaire.

Quel rôle la robotique peut-elle jouer dans l’épanouissement professionnel des employés et quel type de robotique à envisager ? L’arrivée progressive des robots au travail suscite des réactions souvent extrêmes. Entre des questionnements sensibles sur les bénéfices et les limites de l’automatisation et une quête de sens au travail, les nouveaux outils – robotiques ou non – doivent nécessairement être conçus en prenant en considération leur appropriation par ceux qui les utilisent, voire leur capacité à améliorer leur quotidien.

Une problématique à laquelle s’intéresse la SNCF depuis plusieurs années. « Nous avons lancé, en 2018, des travaux sur la robotique, lors desquels il est apparu essentiel d’étudier les relations entre les robots et les êtres humains », relate Louis-Romain Joly, responsable du programme « Robots & Humains » au sein de l’entreprise. « Et compte tenu de nos enjeux, nous avons souhaité aller plus loin que la seule acceptation des outils par nos collaborateurs et la traditionnelle conduite du changement. Nous voulions que les robots ne soient pas uniquement un moteur de performance industrielle, mais aussi de bien-être au travail. »

Comment concevoir des outils robotiques répondant à cet objectif ? Afin de disposer d’une méthodologie scientifique, Louis-Romain Joly s’est rapproché d’Ioana Ocnarescu, directrice de la recherche à Strate École de Design, et de Stéphanie Buisine, directrice de recherche à CESI. « Nous avons alors monté une thèse CIFRE autour de compétences pluridisciplinaires : sciences humaines et sociales, design, ingénierie… », indique Ioana Ocnarescu. « Des travaux qui s’inscrivent dans la recherche autour de la robotique sociale et de ses bénéfices pour les utilisateurs, à Robotics by Design Lab. » L’objet de la thèse, conduite par Mégane Sartore : la robotique ikigaï.

Qu’est-ce que l’ikigaï ?

Ce terme correspond à une philosophie de vie japonaise et est généralement traduit par « joie de vivre » ou « raison d’être ». Mais le concept est plus profond et souvent représenté par un schéma de quatre cercles qui se chevauchent : « ce que j’aime », « ce pour quoi je suis compétent », « ce pour quoi je suis payé » et « ce dont le monde a besoin ». L’ikigaï correspond à l’intersection de ces quatre cercles, traduisant en quelque sorte la mission de vie d’un individu. Ainsi, la robotique ikigaï vise à s’inscrire dans cette quête, en apportant du sens au travail et en favorisant l’engagement des collaborateurs.

« Des chercheurs ont déjà tenté de modéliser l’ikigaï, mais surtout au Japon et rarement dans un contexte professionnel », souligne Stéphanie Buisine. « À notre tour, nous nous sommes prêtés à cet exercice, en nous appuyant sur la littérature scientifique en psychologie. De sorte, d’une part, à contribuer à établir des fondements scientifiques pour ce concept et, d’autre part, à créer une méthodologie applicable dans un environnement industriel, tel que celui de la SNCF. » La thèse avait donc premièrement pour ambition de répondre aux questions suivantes : quelles sont les composantes de l’ikigaï ? Peut-on les influencer positivement grâce à des robots ?

Comment mesurer l’ikigaï ?

Le modèle élaboré par les chercheurs comprend ainsi un ensemble de caractéristiques, mesurables via différentes méthodes. « Nous avons construit un questionnaire à partir d’échelles validées scientifiquement, en psychométrie », explique Mégane Sartore. « Nous avons ensuite vérifié que ces éléments assemblés permettaient de mettre en lumière un phénomène commun : l’ikigaï. » Le questionnaire a ainsi été testé auprès de deux populations : un échantillon de 321 personnes issues de la population active française et une cinquantaine d’opérateurs de maintenance ferroviaire. Ces deux études ont à la fois permis de valider le modèle initialement conçu et de mettre en exergue des différences, selon la population considérée.

L’équipe de recherche a également expérimenté d’autres méthodes d’évaluation. Par exemple, en entretien, en demandant directement aux personnes interrogées – à l’aide d’une brève définition du terme – si elles estimaient avoir trouvé leur ikigaï. Ou encore en invitant les participants à répondre via le schéma à quatre cercles, tout en laissant libre la manière de procéder (placer une ou plusieurs croix, colorier des zones…).

Quels sont les leviers professionnels de l’ikigaï ?

« Il faut toutefois garder à l’esprit que la mesure de l’ikigaï n’était pas une fin en soi », rappelle Stéphanie Buisine. « L’objectif de la thèse restait de développer des outils favorisant l’épanouissement professionnel des collaborateurs. Nous avons donc établi statistiquement un modèle prédictif, afin d’identifier des indicateurs clés influençant positivement ou négativement l’ikigaï. » Et les résultats obtenus se sont parfois avérés surprenants. « Auprès des opérateurs de maintenance ferroviaire, le plus gros facteur de prédiction de l’ikigaï résidait dans le sentiment d’appartenance collective », poursuit la directrice de recherche à CESI. « Cela signifie que, pour contribuer à l’épanouissement professionnel des agents SNCF, les robots doivent intégrer des fonctions favorisant le sentiment d’affiliation de leurs utilisateurs. » Une information loin d’être intuitive, à prendre en compte dès la conception de l’outil.

Cependant, la quête de l’ikigaï ne se résume évidemment pas à un seul facteur. « La pleine conscience – c’est-à-dire le fait de se sentir ancré(e) dans le moment présent –, le travail par passion, le sentiment d’autonomie ou de maîtrise de son sujet comptent parmi les leviers importants », cite Mégane Sartore. « Mais attention : ces éléments peuvent varier selon les populations étudiées. » La thèse ne visait d’ailleurs pas à trouver une recette universelle de l’ikigaï, mais à concevoir une méthodologie capable de mettre en évidence les facteurs déterminants auprès d’une population donnée.

La robotique ikigaï appliquée à PICAUTO

Le premier cas d’usage concret était tout trouvé, avec la maintenance ferroviaire et, plus précisément, l’outil PICAUTO. « Il s’agit d’un équipement employé pour contrôler les toitures de trains, en particulier des locomotives utilisées dans le cadre du fret ferroviaire », précise Louis-Romain Joly. « En effet, les toitures comprennent divers éléments dont le pantographe qui s’usent en raison des frottements et du courant électrique et il faut donc régulièrement l’inspecter. » Jusqu’alors, ces contrôles s’effectuaient via des passerelles à côté desquelles il fallait placer les locomotives ce qui nécessitait de longues manœuvres. Il fallait également couper du courant pour assurer la sécurité lors du contrôle. La SNCF souhaitait donc mettre à disposition de ses équipes un nouvel outil d’inspection depuis le sol, mobile et sûr, sans devoir couper le courant dans la caténaire.

Un premier prototype de PICAUTO avait alors été mis au point. « À ce moment-là, nous nous étions uniquement intéressés à l’aspect fonctionnel de l’outil », se souvient Louis-Romain Joly. « Concrètement, l’équipement prenait la forme d’un matériau enroulé sur lui-même, qui pouvait être déroulé manuellement pour obtenir une perche, au bout de laquelle était positionnée une caméra. L’ensemble pouvait se fixer sur le flanc de la locomotive, via des ventouses, ce qui limitait sa mobilité. En échangeant avec les opérateurs, nous avons compris qu’ils préféraient une solution moins compacte, mais plus mobile et privilégiaient le confort d’utilisation. » Le dispositif a alors été revu en conséquence, la perche étant fixée sur un chariot, pour faciliter ses déplacements, et motorisée, afin de piloter aisément son déploiement.

Cette évolution a contribué à améliorer le confort d’utilisation de PICAUTO. Mais qu’en est-il des fonctions favorisant la quête de l’ikigaï ? « Nous avons proposé différentes fonctionnalités aux opérateurs de maintenance, en créant des scénarios où ils jouaient leur propre rôle », détaille Mégane Sartore. « Nous avons, par exemple, imaginé une perche capable de parler et de se présenter, l’ajout d’un exercice de respiration en pleine conscience avant l’utilisation, ou encore la possibilité de s’échanger des messages entre collègues. » Au total, treize fonctionnalités ont été testées et une seule n’a pas été retenue par les agents SNCF : l’assistance à distance, via la caméra. Dans une telle situation, les opérateurs préféraient en effet échanger de visu avec leurs collègues, plutôt qu’à travers un écran.

Ces fonctionnalités vont être prochainement implémentées au sein de PICAUTO, afin de vérifier leurs bénéfices sur les leviers motivationnels des collaborateurs. Il s’agirait alors d’un premier exemple de robotique ikigaï au sein de la SNCF, pour les opérateurs de maintenance ferroviaire, avant d’envisager de déployer, auprès d’autres équipes, de nouveaux outils participant à l’épanouissement professionnel des employés.

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