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La technologie au service de la relation entre les personnes âgées et leur animal de compagnie

16 juillet 2024 • Big Data & IA - Santé numérique

En vieillissant, les personnes âgées sont souvent contraintes de renoncer à posséder un animal de compagnie, malgré les bénéfices d’une telle relation. Et si la technologie pouvait aider à préserver ce lien précieux ? Cela pourrait éventuellement ralentir ainsi la perte d’autonomie.  C’est l’objet de la thèse conduite par Hazar Zilelioglu, réunissant des partenaires académiques et industriels, avec le soutien du Carnot TSN.

La France, comme de nombreux pays occidentaux, connaît une phase de transition démographique, induisant un vieillissement de sa population. Dans ce contexte, la question du bien-vieillir et du maintien des personnes âgées à domicile revêt un enjeu majeur. Or, la présence au quotidien d’un animal de compagnie peut avoir de nombreux effets bénéfiques sur une personne âgée : soutien émotionnel, préservation d’un lien social, diminution du sentiment de solitude, activité physique…

Malheureusement, à partir de 65 ans, le taux de possession d’un tel compagnon diminue de 50 % chaque décennie*. Et ce, en raison de contraintes financières, d’une détérioration des capacités physiques, voire de l’état de santé. La technologie pourrait-elle contribuer à ralentir cette tendance, en aidant à maintenir et à soutenir le lien entre une personne âgée et un animal de compagnie ?

Quels usages de la technologie dans la relation avec un animal de compagnie ?

C’est la question à laquelle s’est intéressé Hazar Zilelioglu, dans le cadre d’une thèse CIFRE codirigée par Yacine Amirat, Abdelghani Chibani et Ghazaleh Khobadandelou – du LISSI (Laboratoire Images, Signaux et Systèmes Intelligents) –, ainsi que par Ioana Ocnarescu – de Strate École de Design. La thèse CIFRE réunissait également deux partenaires industriels : frog part of Capgemini Invent, avec l’aide de BNP Paribas Cardif et elle fait partie de Robotics by Design Lab – le laboratoire commun pluridisciplinaire lancé par Strate et ses partenaires en décembre 2019. « Nous nous intéressons grandement aux apports possibles de la technologie pour le mieux-vieillir, compte tenu de la transition démographique », affirme Solène Le Bars, responsable scientifique du programme santé chez Capgemini Engineering. « Nous essayons ainsi d’identifier les cas d’usage les plus pertinents, notamment dans les EHPAD ou les hôpitaux. Ici, il était plutôt question de contribuer à l’autonomie des personnes âgées à domicile. »

« La particularité de cette thèse réside dans son ouverture initiale : au début, nous ne savions pas vraiment quelle direction emprunter », se souvient Hazar Zilelioglu, aujourd’hui docteur en intelligence artificielle chez Capgemini Engineering. Par conséquent, la première phase des travaux de recherche consistait à mieux comprendre les besoins des personnes âgées vis-à-vis de leur animal de compagnie. Onze individus ont ainsi été interrogés, afin d’en savoir davantage sur le déroulé d’une journée type et sur leur rapport avec les nouvelles technologies (ordinateurs, smartphones, robots…).

« Premier enseignement : toutes les personnes interrogées utilisaient couramment leur ordinateur et leur smartphone, parfois en lien avec leur animal », constate Hazar Zilelioglu. « Il s’agissait notamment de trouver des renseignements sur Internet, de commander des produits via leur smartphone, ou encore de recourir à un traceur GPS. En revanche, elles se montraient plus sceptiques quant à l’apport de la robotique dans leur relation avec leur animal. » Ces résultats ont ensuite été enrichis par un travail de veille des articles sur le sujet, afin de compléter les difficultés et les problématiques déjà identifiées.

Des capteurs pour suivre l’activité de l’animal

Les données recueillies lors de cette première étape ont servi de base à un atelier d’idéation, qui s’est tenu au Cardif Lab’. En effet, le design a été fédérateur dans cette phase d’idéation. Le but de l’atelier organisé par frog et Strate auprès de BNP Paribas Cardif (data analytics, marketing, expérience client, RSE, commercial) a été d’imaginer de nouveaux services autour du bien vieillir par l’exploration les bénéfices de l’IA et de la robotique sociale sur la relation entre une personne âgée et son animal de compagnie. « Par exemple, nous avons imaginé le cas d’un individu devant effectuer des analyses à l’hôpital pendant plusieurs jours », cite Ioana Ocnarescu, directrice de la recherche à Strate École de Design. « Ici, la technologie pourrait notamment servir à nourrir l’animal durant l’absence de son maître. » Ces scénarios ont ensuite été soumis à trois experts – un médecin gériatre, un expert en comportement canin et un designer –, qui ont alors recommandé à l’équipe de recherche de se concentrer sur la prévention des difficultés. En d’autres termes, la technologie devait servir à suivre la relation entre une personne âgée et son compagnon pour alerter dès les premiers signes d’un éventuel déséquilibre.

Mais comment effectuer un tel suivi ? « Nous avons décidé de surveiller l’activité de l’animal, qui pouvait être révélatrice de celle de son propriétaire », présente Hazar Zilelioglu. « Nous avons donc défini un protocole expérimental et développé une solution de suivi installée sur un collier et reposant sur des centrales inertielles. » Ces dispositifs, composés de trois accéléromètres et de trois gyromètres, permettaient de suivre les déplacements de l’animal, une information complétée par les données recueillies via une application mobile dédiée. À l’aide de celle-ci, les participants pouvaient décrire les activités de leur compagnon et répondre à des questions relatives à leur bien-être et à celui de l’animal. « À cette étape, le soutien du Carnot TSN a été déterminant pour le développement des prototypes et de l’application mobile », souligne Ioana Ocnarescu.

Adapter les modèles d’IA aux spécificités de l’activité animale

L’expérimentation a été menée auprès de dix participants, pendant cinq jours. Elle a tout d’abord permis d’observer que l’activité des animaux diminuait avec l’âge – le leur comme celui de leur propriétaire. « De plus, les résultats semblent montrer une corrélation entre l’activité de l’animal de compagnie et le bien-être de l’individu », relève Hazar Zilelioglu. « Cela confirmerait l’idée selon laquelle il est possible de suivre indirectement les êtres humains à travers les données relatives à leurs animaux. » Des conclusions qui restent toutefois à vérifier, en raison de la faible taille de l’échantillon d’étude.

En outre, l’expérimentation avait pour but d’alimenter des modèles d’intelligence artificielle visant à prédire, à partir des données des centrales inertielles, ce que fait l’animal. « Nous avions déjà travaillé sur des algorithmes de reconnaissance de l’activité humaine, en revanche, il existe très peu d’études similaires sur les animaux », remarque Hazar Zilelioglu. « Si le principe de traitement des données est semblable, il faut toutefois l’adapter à certaines particularités, comme la position des capteurs au niveau du cou, qui restreint les informations que nous pouvons recueillir. »

De plus, les modèles de deep learning utilisés ici nécessitaient – comme tout système de ce type – un jeu de données d’entraînement pour leur phase d’apprentissage. Or, sur l’animal, une telle ressource reste aujourd’hui rare. « C’est pourquoi la constitution d’une base de données sur l’activité des animaux de compagnie, en particulier les chiens, figure parmi les les productions de la thèse », indique Ioana Ocnarescu. À cette fin, au-delà des informations recueillies via les capteurs et l’application mobile, l’équipe de recherche pouvait s’appuyer sur des flux vidéo : chaque participant de l’expérimentation était en effet filmé pendant une heure, au début de l’expérience. Une démarche qui permettait d’obtenir des données annotées, directement utilisables.

Une technologie pertinente n’est pas nécessairement complexe

Les données non étiquetées, elles, n’ont pas été exploitées dans le cadre de la thèse, mais il s’agit d’une piste intéressante pour des études ultérieures. Car l’équipe de recherche envisage de poursuivre ses travaux, notamment pour consolider les résultats obtenus, à travers des expérimentations impliquant davantage de participants. « L’idée serait également de passer à un niveau de connaissance supérieur, en analysant plus seulement l’activité de l’animal, mais aussi son comportement et ses interactions avec son propriétaire », dévoile Hazar Zilelioglu.

Une orientation qui n’impliquerait pas nécessairement le recours à des technologies plus sophistiquées. « Initialement, pour notre étude, nous envisagions de développer des outils robotiques complexes et coûteux », signale Ioana Ocnarescu. « Et finalement, il s’est avéré qu’un « simple » collier muni de capteurs fournissait déjà une grande quantité d’informations sur la relation entre une personne âgée et son animal de compagnie. C’est une des leçons de cette thèse : la technologie n’est pas une fin en soi. Parfois, une solution sans grande complexité technique suffit à atteindre l’objectif fixé. »

*Source : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2020.00293/full

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