H2sys contribue à faire de l’hydrogène une des énergies d’avenir. Née des laboratoires FCLAB et Femto-ST en Franche-Comté, cette spin-off propose des solutions d’intégration performantes des piles à hydrogène. Les applications couvrent par exemple les groupes électrogènes ou la mobilité urbaine décarbonnée. Et si elle a été officiellement lancée il y a 6 mois seulement, son histoire est intimement liée à celle des pionniers franc-comtois de la technologie hydrogène.
1999, fin d’un siècle. Les volontés politiques se tournent vers le nouveau millénaire qui se profile, et l’énergie est déjà le grand enjeu industriel qu’elle est aujourd’hui. La fin des années 1990 marque le début de la remontée des prix du pétrole après plus d’une décennie d’accalmie. La part des investissements dans le nucléaire se tasse en France. On cherche d’autres modes de production énergétique, des alternatives d’avenir dignes des années 2000. Ce contexte économique et politique pousse Belfort et les collectivités territoriales de la région alentour à investir dans l’hydrogène. La fédération de recherche FCLAB est alors créée, rassemblant des laboratoires compétents sur la thématique. Presque deux décennies plus tard, la Franche-Comté est devenue un haut-lieu de la discipline. FCLAB est la première communauté nationale de recherche appliquée sur l’hydrogène-énergie et l’intégration des systèmes à piles à combustibles. Elle intègre également un axe de recherche en sciences humaines sur la façon dont nos sociétés adoptent les nouvelles technologies de l’hydrogène. Cette fédération rassemble 6 laboratoires dont FEMTO-ST et implique 10 tutelles, dont le CNRS.
C’est de ce foisonnement scientifique qu’est issue la spin-off H2sys. Décrite comme « une aventure humaine » par Daniel Hissel — l’un de ses fondateurs, la jeune entreprise possède une histoire intriquée avec celle de la région Franche-Comté. D’abord parce qu’elle a été créée par des scientifiques issus de FCLAB. Daniel Hissel lui-même est professeur à l’université de Franche-Comté et anime une équipe de recherche au sein de Femto-ST, deux partenaires de la fédération. Ensuite parce que l’idée au cœur du projet de H2sys est née de l’agitation régionale autour du sujet de l’hydrogène. « Dès 2004-2005, nous avons eu nos premières discussions au sein de l’équipe sur le potentiel industriel des systèmes piles à hydrogène » se souvient Daniel Hissel. Les équipes de FCLAB travaillaient déjà sur des intégrations de ces piles dans des systèmes de production d’énergie. Cependant, la technologie n’était pas encore assez mature. Les travaux, de l’ordre du fondamental, ne visaient pas encore des applications à grande échelle.
Il faudra attendre près de dix ans pour que les usages se développent, et qu’un marché des piles à hydrogène se structure de façon sérieuse. En 2013, Daniel Hissel et ses confrères assistent à cette éclosion avec attention. « Tout le temps que nous avions passé à intégrer la techno pile à combustible nous a permis d’avoir le recul nécessaire et de développer une vision des enjeux futurs, à la fois techniques et économiques » assure-t-il. Pour le groupe de scientifiques, c’est alors le bon moment de lancer leur entreprise. Leur projet voit ainsi le jour la même année. Il reçoit rapidement le soutien de la région Franche-Comté, puis de la société d’accélération du transfert des technologies (SATT) Grand Est, et de l’institut Carnot Télécom & Société numérique. En 2017, le projet devient officiellement l’entreprise H2sys.
L’hydrogène face au diesel ?
La spin-off propose aujourd’hui un service d’intégration de pile à hydrogène choisie en fonction des besoins de ses clients. Elle se concentre principalement sur les groupes électrogènes de 1 à 20 kW. « Notre objectif est de fournir de l’électricité sur des sites isolés pour satisfaire des besoins à taille humaine » précise Daniel Hissel. Les cas d’application vont de la production d’énergie électrique pour des concerts ou des festivals, au soutien des équipes de secours sur des accidents de la route ou des incendies. Les dispositifs mis au point par H2sys intègrent le savoir-faire de FCLAB et de Femto-ST, dont les recherches impliquent un travail autour du diagnostic et du pronostic des systèmes pour comprendre et anticiper les défaillances, sur l’analyse du cycle de vie, la maintenance prédictive ou encore l’intelligence artificielle pour le pilotage des dispositifs.
En se plaçant sur ces usages, les systèmes de H2sys viennent directement en concurrence avec les groupes électrogènes classiques fonctionnant grâce à un moteur thermique — diesel notamment. Toutefois, si les gammes de puissance sont semblables, la comparaison s’arrête là pour Daniel Hissel, car la technologie pile à hydrogène présente des avantages intrinsèques considérables. « La pile est alimentée par de l’oxygène et de l’hydrogène, et elle n’émet que de l’énergie sous forme électrique et de l’eau chaude » explique-t-il. L’absence d’émissions de polluants de et de gaz d’échappement permet à ces groupes électrogènes d’être utilisés en extérieur, bien sûr, mais aussi en intérieur. « C’est un avantage considérable pour des installations rapides en intérieur, comme les pompiers peuvent en avoir besoin après un incendie » pointe le co-fondateur de l’entreprise.
Autre argument : la pénibilité du travail à proximité d’un groupe électrogène diesel. Quiconque en a déjà vu un en fonctionnement sait le bruit qu’un tel engin génère et les émissions polluantes qu’il émet. Or les groupes électrogènes à hydrogène sont silencieux et n’émettent que de l’eau. Leur maintenance est également plus facile et moins fréquente : « les gaz réagissent dans le système au travers d’une membrane électrolytique, la technologie est donc bien plus robuste qu’un moteur avec des pièces mobiles » souligne Daniel Hissel. Ce sont tous ces avantages qui rendent attrayantes les piles à hydrogène.
Au-delà des groupes électrogènes, H2sys travaille également sur les prolongateurs d’autonomie. « C’est un marché de niche pour nous car nous n’avons pas encore la capacité de faire des intégrations sur un grand nombre de véhicules » confie le chercheur. Le positionnement de l’entreprise illustre toutefois la demande existante pour des solutions d’intégration de piles à hydrogène. Les perspectives sont même plus ambitieuses pour Daniel Hissel. Car si les rendements électriques de ces piles sont déjà plus intéressants que ceux des moteurs diesel (55 % contre 35 %), l’eau chaude qu’elles produisent peut également être récupérée pour des usages divers. Sont ainsi envisagées l’alimentation d’un réseau sanitaire sur des sites isolés, ou l’autoconsommation dans les maisons en usage de type micro cogénération – électricité et chauffage.
Pour H2sys, trouver de nouveaux usages par des intégrations intelligentes n’est pas le seul défi. En tant que spin-off de laboratoires de recherche, elle se doit de continuer à être motrice des innovations dans le domaine. « Avec FCLAB, nous avons été les premiers à travailler sur le diagnostic des systèmes piles à hydrogène dans les années 2000 » affirme Daniel Hissel. « Aujourd’hui, nous continuons de préparer le coup d’après. » En ligne de mire : une meilleure évaluation des performances des systèmes pour améliorer leur garantie. En contribuant à rendre la technologie de plus en plus sûre, H2sys participe fortement au développement des piles à combustible. Et la maturation en cours depuis les années 2000 porte ses fruits : l’hydrogène est aujourd’hui regardé de très près par les industriels pour le stockage massif des énergies renouvelables. La technologie sera-t-elle alors celle du nouveau millénaire envisagé par les pionniers franc-comtois de la fin des années 1990 ? Sans aller jusque-là, il est certain qu’elle aura son rôle à jouer dans le paysage énergétique de demain.