Un laboratoire commun pour renforcer le lien entre SPIE ICS et Télécom SudParis

Antoine Lavignotte, enseignant-chercheur en réseaux à Télécom SudParis, a précédemment occupé le poste d’ingénieur d’affaires chez SPIE ICS. « Mon rôle était de comprendre les besoins des clients et de leur proposer une architecture technique pour assurer le maintien en condition opérationnelle de leurs réseaux », précise-t-il. « Cette expérience m’a donc apporté une connaissance transverse des projets réseaux, pas seulement d’un point de vue technique, mais aussi financier et métier. » Une expertise, complétée ensuite par une thèse, qui l’a conduit à intégrer l’équipe du département Réseaux et Services de Télécommunications (RST) de Télécom SudParis en 2014.

Un partenariat entamé via une chaire d’enseignement et de recherche

« Avec mes collègues enseignants-chercheurs, nous constations une perte d’appétence des étudiants pour le domaine des réseaux », se souvient-il. « Nous avons alors voulu repartir de zéro afin d’insuffler un nouvel élan, une démarche ayant abouti à la création d’une nouvelle voie d’approfondissement. » Souhaitant associer des partenaires industriels à cette initiative, l’équipe a présenté son projet à cinq entreprises couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur, à commencer par SPIE ICS, filiale du groupe SPIE et entreprise de services numériques spécialisée dans l’intégration, l’infogérance et les réseaux. À l’instar de cette dernière, Bouygues Telecom, CNS Communications, SNCF Réseau et Nokia se sont montrées enthousiastes à l’idée de se joindre à cette aventure. Ainsi était née, en 2017, la chaire d’enseignement « Réseaux du futur pour les Services de demain » de Télécom SudParis, par l’entremise de la Fondation Mines-Télécom et en partenariat avec Mines Saint-Étienne et IMT-BS. Il s’agissait alors de la première formation en alternance à destination d’élèves ingénieurs généralistes.

Une réussite, puisque trois ans plus tard, la chaire était renouvelée, avec quatre des cinq partenaires, seul Nokia s’étant retiré. Elle voyait même son périmètre élargi, à travers l’ajout d’une dimension de recherche au volet d’enseignement reconduit. Deux thèses ont ainsi été menées durant les trois années suivantes, sur des sujets de sécurité des architectures fibre et de réseaux hétérogènes.

D’une première thèse CIFRE au laboratoire commun

En parallèle, SPIE ICS a manifesté l’envie d’aller plus loin, en montant une thèse CIFRE avec Télécom SudParis, dans le but de renforcer sa différenciation sur son marché grâce à la recherche. L’entreprise avait en effet identifié un fort potentiel d’innovation sur une partie de son activité. « Pour assurer le maintien en condition opérationnelle des réseaux de ses clients, SPIE ICS intervient souvent en cas de panne ou d’incident », note Antoine Lavignotte. « Or, ce travail de surveillance s’accompagne d’une quantité colossale de données, jusqu’ici peu exploitées. L’idée était donc de s’en servir pour repérer des incidents en amont, dans une démarche de maintenance prédictive. »

La thèse CIFRE, conduite par Killian Murphy, visait ainsi premièrement à traiter et à anonymiser les quelque 10 To de données fournies par SPIE ICS. Ensuite, plusieurs modèles d’IA ont été étudiés afin de déterminer les plus pertinents vis-à-vis de ce type de données temporelles. Des résultats qui ont fait l’objet de plusieurs publications scientifiques.

Forts de ce succès, les deux partenaires ont ensuite souhaité passer à l’échelle pour réitérer cette première expérience concluante. Une volonté qui a donné naissance, en novembre 2024, au laboratoire commun Laboratoire de Transformation des Entreprises par l’Innovation et le Numérique (LATIN), avec le soutien de l’institut Carnot TSN. « Notre objectif est de réunir des chercheurs de Télécom SudParis, mais également d’autres écoles de l’Institut Mines-Télécom et de l’Institut Polytechnique de Paris, et des ingénieurs de SPIE ICS autour de sujets communs », présente Antoine Lavignotte. « Pour l’entreprise, il s’agit de s’appuyer sur les résultats des thèses afin de développer des services innovants à destination de ses clients. Et du côté des chercheurs, cette collaboration nous offre la possibilité de travailler sur des cas concrets, à partir de données réelles, au plus proche des besoins d’un grand acteur industriel. »

L’IA au service de la maintenance prédictive des réseaux

LATIN vise un large périmètre, ce qui se traduit dans le nom du laboratoire commun. Trois premières grandes thématiques ont toutefois été identifiées : l’utilisation de l’IA au sein des réseaux, la cybersécurité et la réduction de l’empreinte environnementale des services numériques. Mais cette liste pourrait être complétée par de nouveaux sujets, en fonction des problématiques rencontrées par SPIE ICS au fil des trois prochaines années, durée prévue du laboratoire commun.

Celui-ci a démarré avec le lancement de trois thèses, la première d’entre elles s’inscrivant à la suite de la thèse CIFRE précédemment citée, sur la maintenance prédictive grâce à l’IA. Son objectif : poursuivre les travaux déjà réalisés et travailler de concert avec des ingénieurs de SPIE ICS afin de développer l’outil exploitant ces résultats et pouvant être utilisé sur le terrain.

« Cette thèse répond aussi à un besoin d’interconnexion », ajoute Antoine Lavignotte. « En effet, en tant qu’intégrateur, SPIE ICS fait appel à plusieurs constructeurs pour ses équipements réseaux. Or, chacun possède sa propre solution de supervision, voire d’IA, dans un environnement fermé, ce qui peut représenter un frein pour l’entreprise et ses clients. Le but est donc, à l’inverse, de mettre au point un système 100 % adaptable, quel que soit le constructeur du matériel. » Ces travaux seront toujours menés par Killian Murphy, désormais titulaire d’un diplôme de docteur de l’Institut Polytechnique de Paris et qui a depuis été recruté par SPIE ICS pour piloter la recherche au sein de l’entreprise. Il continue cependant à entretenir un lien fort avec l’école, puisqu’il intervient également en tant que chercheur invité à Télécom SudParis.

LLM appliqués à la cybersécurité et à la gestion d’applications

La deuxième thèse, quant à elle, est consacrée à un sujet de cybersécurité et à l’apport d’un certain type d’IA : l’IA générative. Plus précisément, il s’agit de travailler sur des grands modèles de langage (LLM, Large Language Model). « En cas d’attaque sur un système, les équipes cybersécurité de SPIE ICS doivent intervenir au plus vite pour combler la faille », indique Antoine Lavignotte. « Dans une telle situation, comment un LLM pourrait-il aider un opérateur à prendre les mesures pertinentes le plus rapidement possible ? Nous allons étudier la meilleure façon d’accompagner l’utilisateur sur le terrain. »

Enfin, la troisième thèse déjà entamée s’articule toujours autour de l’intérêt des LLM, cette fois appliqués à l’outil Kubernetes, développé par Google. « Ce système open source permet de déployer un service de manière scalable », explique Antoine Lavignotte. « Il consiste à adapter rapidement les ressources en fonction de la charge demandée : par exemple, dès que le nombre d’utilisateurs augmente sensiblement, il assure le passage à l’échelle en créant plusieurs grappes de serveurs en parallèle, afin d’absorber le flux et d’éviter la surcharge des sites ou des temps de latence trop longs. » L’idée serait donc ici d’accompagner les collaborateurs de SPIE ICS dans leur recours à Kubernetes, via des instructions adaptées à chaque situation et fournies en langage naturel, grâce au LLM.

Par ailleurs, d’autres sujets de thèse sont en cours de définition, notamment sur la thématique de la réduction de l’empreinte environnementale des services numériques. Il faudra ensuite identifier les enseignants-chercheurs en mesure d’encadrer ces travaux, les équipes de SPIE ICS concernées par la problématique et disponibles, ainsi que les candidats idoines, en commençant par proposer aux étudiants de Télécom SudParis intéressés par une telle opportunité.

L’équipe de LATIN s’est fixé pour objectif d’atteindre un nombre de dix thèses d’ici à la fin de l’année 2027. « Néanmoins, il s’agit d’un minimum », souligne Antoine Lavignotte. « Nous ne nous interdisons pas du tout d’aller au-delà, selon les besoins identifiés par SPIE ICS et les problématiques rencontrées par ses clients. »