« Scrute la nature » : une application mobile pour préserver la biodiversité

L’école Télécom Saint-Étienne porte une ambition soutenue en matière de Responsabilité Sociétale et Développement Durable (RSDD). Une démarche qui se traduit par une volonté marquée de former des ingénieurs conscients et engagés, véritables acteurs d’un numérique responsable. Mais cette implication ne concerne pas que les étudiants. « Nous souhaitons agir à notre échelle sur le respect de l’environnement », affirme Hubert Konik, directeur du développement, de l’innovation et de l’alternance à Télécom Saint-Étienne. « Nous avons ainsi mis en place une commission RSDD, ouverte à tout le personnel, qui vise à identifier et à accompagner des projets participant à cet objectif, pour la formation des élèves ingénieurs, bien sûr, mais également dans l’ensemble de notre fonctionnement comme organisation. Nous travaillons avec notre tutelle universitaire à la production d’électricité verte pour alimenter notre site. Et nous œuvrons aussi au respect de la biodiversité dans l’enceinte de l’établissement. »

La LPO, acteur majeur de la protection de la biodiversité

C’est pourquoi l’école s’est tournée vers l’antenne de la région Auvergne-Rhône-Alpes (AuRA) de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Contrairement à ce que son nom peut laisser entendre – il tire son origine de son combat initial pour la protection d’une espèce d’oiseaux, le macareux moine –, l’association, créée en 1912, œuvre en faveur de la préservation de toute la biodiversité. « Nos actions se déclinent en trois axes principaux », détaille Béatrice Jankowiak, chargée de mission animation à la LPO AuRA. « Premièrement, la production de connaissances sur le terrain, avec des études sur l’évolution de populations animales, permettant notamment d’alerter quant au déclin de certaines espèces. Ensuite, des actions visant à protéger l’habitat et l’environnement de la faune et de la flore locales. Et enfin, une activité de sensibilisation auprès du grand public, de la crèche à la maison de retraite, en passant par les entreprises et les collectivités. »

Par exemple, sur le territoire de la région AuRA, la LPO a mené diverses études de suivi d’aire de répartition et de reproduction d’espèces telles que le hibou grand-duc ou le milan royal. L’association agit également pour protéger des nichées de faucons situées sur des voies d’escalade, ainsi que de busards sur des terrains agricoles ou en friche et des sites à chauves-souris.

Deux partenaires engagés en faveur de la biodiversité

Le rapprochement entre Télécom Saint-Étienne et la LPO visait, en premier lieu, à faire de l’école un refuge LPO. « Il s’agit d’enclencher une démarche de progrès afin de favoriser la biodiversité sur son site », précise Béatrice Jankowiak. « Cela implique un diagnostic effectué par la LPO, recensant notamment les espèces présentes sur place, qui aboutit à des préconisations d’actions dans le but de les préserver et d’améliorer les conditions d’accueil pour d’autres espèces. » Cette première collaboration fructueuse a ensuite conduit à la signature d’une convention de partenariat entre les deux entités pour étendre leur coopération, toujours articulée autour de la préservation de la biodiversité et de l’environnement.

Ainsi, la LPO a accueilli des étudiants de Télécom Saint-Étienne sur ses chantiers nature, afin qu’ils contribuent à la mise en place d’aménagements pour la biodiversité et à la restauration d’habitats naturels, en dehors de l’enceinte de leur établissement. De plus, durant leur cursus, les futurs ingénieurs ont même la possibilité de s’impliquer davantage, dans le cadre de leurs projets d’ingénierie (PING) et recherche ou innovation (PRI). Ils peuvent en effet sélectionner des sujets proposés par la LPO AuRA chaque année, parmi les nombreux choix qui s’offrent à eux.

Découvrir la biodiversité locale avec son smartphone

C’est précisément de cette manière que s’est déroulée une collaboration entre les deux partenaires tirant pleinement parti de leur complémentarité : l’application mobile « Scrute la nature ». À l’origine de cette initiative, un besoin de Saint-Étienne Métropole. « À la LPO, nous avions récolté une grande quantité de données naturalistes », retrace Béatrice Jankowiak. « Dans le cadre de son atlas de la biodiversité communale, la métropole souhaitait disposer d’un moyen de les restituer et de les valoriser auprès du grand public, en coconstruction avec les communes du territoire. Nous avons pensé à un jeu de piste qui permettrait de partir à la découverte de la biodiversité locale. »

La LPO a alors sollicité Télécom Saint-Étienne dans l’espoir de voir son idée se matérialiser sous la forme d’une application mobile, qui serait développée par des étudiants de l’école. « Nous avons alors consacré un projet étudiant à cette mission, avec des étudiants motivés aussi par ces enjeux », souligne Hubert Konik. Ces derniers – encadrés par des enseignants-chercheurs du laboratoire Hubert Curien, auquel est adossée l’école – ont ainsi mis au point une application Android répondant aux demandes de l’association. Il s’agit d’un jeu, à destination d’un public plutôt familial, renfermant plusieurs parcours, spécifiques à chaque commune partenaire, et invitant à découvrir la biodiversité locale à travers des anecdotes, des jeux ou des énigmes à déchiffrer.

Le développement d’une application mobile au défi de la sobriété

Afin de rendre l’information la plus accessible possible, l’application devait être facile à prendre en main. Un impératif qui colle parfaitement avec les compétences enseignées à Télécom Saint-Étienne. « Certains de nos étudiants développent une spécialisation dans l’exploitation de la donnée », met en exergue Hubert Konik. « Ils sont ainsi habitués à penser une application en fonction de l’expérience utilisateur et à privilégier son aspect ergonomique, ce qui n’est pas toujours le cas. »

Cependant, n’est-il pas contre-intuitif d’employer une nouvelle solution numérique pour agir en faveur de l’environnement ? « Notre objectif est plutôt d’inciter les citoyens à sortir, de leur faire découvrir la nature sur le terrain, donc de les éloigner un peu de leur smartphone », concède Béatrice Jankowiak. « Par conséquent, nous avons demandé à Télécom Saint-Étienne de développer une application légère, sans vidéo et avec des images compressées, et disponible hors connexion. Elle ne devait être qu’un support minimal pour explorer la biodiversité. » Il était aussi question qu’elle n’enregistre pas les données des utilisateurs, par respect à l’égard de leur vie privée et de l’environnement.

Ces critères représentaient ainsi autant de contraintes imposées aux étudiants impliqués dans le projet. « Le développement de « Scrute la nature » ne se heurtait pas véritablement à des verrous technologiques », convient Hubert Konik. « Néanmoins, elle représentait un défi dans le sens où il fallait respecter des exigences de numérique responsable et de fonctionnement hors ligne. » Ce dernier point impliquait notamment d’embarquer les données nécessaires aux parcours, sans trop alourdir l’application.

Vers une intégration de l’IA dans « Scrute la nature » ?

Aujourd’hui, « Scrute la nature » est disponible dans six communes de la Loire, qui seront prochainement rejointes par quatre autres, grâce au soutien de Saint-Étienne Métropole. Il ne s’agit toutefois que d’un début : d’autres villes d’Auvergne-Rhône-Alpes ont manifesté leur intérêt pour la solution, tout comme en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Et la LPO entend poursuivre son déploiement, en relayant l’initiative auprès de toutes ses antennes régionales. Une envergure nationale qui pourrait s’accompagner de nouvelles fonctionnalités, à commencer par l’intégration de sons, afin d’apprendre aux utilisateurs à reconnaître des cris d’animaux ou des chants d’oiseaux.

L’IA pourrait-elle également jouer un rôle dans l’application ? « Cela ne faisait pas partie de notre ambition initiale, étant donné que certaines applications proposent déjà de la reconnaissance automatique d’animaux ou de végétaux par IA », note Béatrice Jankowiak. « Cependant, nous avons imaginé un mécanisme de validation automatique de point d’étape dans le jeu. L’utilisateur prendrait une photo d’un paysage et l’application l’analyserait pour vérifier qu’il se trouve bien à l’endroit indiqué. »

À cet effet, l’IA pourrait intervenir, ce qui constituerait un nouveau défi pour Télécom Saint-Étienne. « L’enjeu majeur, ici, réside dans la possibilité d’embarquer l’IA au sein de l’application tout en maintenant un système léger », observe Hubert Konik. « Dès lors, une solution pourrait consister à recourir à une version minimaliste d’un modèle préalablement entraîné. La conception de modèles d’IA frugaux fait d’ailleurs partie de nos thématiques de recherche actuelles parmi les enjeux du numérique. » Et pour cause : au-delà de pouvoir fournir des services directement depuis un smartphone, une telle approche s’inscrit parfaitement dans une démarche de numérique responsable, chère à l’école.